Les cigares dominicains : un terroir tout en finesse
Entre modernité et histoire, Saint Domingues fut dont la première capitale espagnole du nouveau monde. Fondée par Bartholomé Colomb, le frère de Christophe, ici fut aussi fondée la première cour d’Espagne, la première cathédrale en 1546 ou la première université en 1538. C’est donc par ici que toutes les connaissances furent diffusées sur le continent. Sa rue Calle las Damas est la plus vieille rue du nouveau monde. Ici, se trouve la première maison du premier gouverneur du nouveau monde. Aujourd’hui s’y loge un hôtel luxueux où tout le passé colonial peut s’apprécier.
Après trois siècles de règne espagnol avec un interlude français, haïtien ou américain, le pays devient indépendant en 1821, mais il connut aussi ses heures sombres avec une dictature de près de trente années qui pris fin en 1961.
Depuis lors, le peuple dominicain a retrouvé le sourire et les rues de Saint Domingues une douce sérénité sous le soleil et la musique. Entendre et sentir Saint Domingues, c’est place Cristobal Colomb que cela se fait, les familles s’y retrouvent pour ne rien faire, mais le faire si bien, assis jouer aux dominos, le passe-temps favori des dominicains.
En république Dominicaine, les inégalités sociales sont flagrantes, le tourisme une économie importante comme avec de luxueux hôtels réservés à une élite de nantis. Casa de Campo sur la côte Caraïbes au sud-est de l’ile, ce sont un complexe hôtelier et un parc de 2 200 villas chic acquises par des peoples et des rock stars.
De l’autre côté de l’affiche publicitaire, le véritable peuple dominicain et toute son âme, nous quittons la côte pour nous enfoncer à l’intérieur des terres. C’est ici que tout la main d’œuvre du tourisme se trouve, le peuple dominicain et avec lui les autres secteurs économiques qui font la renommée de l’ile à commencer par le tabac. Car si les consommateurs du monde entier le dégustent parfois dans le luxe, le cigare dominicain, lui, se fabrique dans la sueur. Chez Fuente, la plus grande marque de cigares de l’ile et peut être du monde. Fuente, une affaire familiale qui débuta en 1914 avec 7 employés, aujourd’hui, ils sont plus de 2 200 sur 4 sites et fabriquent 180 sortes de cigares soit millions de pièces qui sortent des ateliers chaque année. On commence la fabrication du cigare par l’humidification des feuilles venues du Connecticut, du Cameroun ou d’Equateur pour la base et des propres champs Fuentes sur l’ile pour la tripe et la sous-cape, des feuilles de grande qualité qui termineront un cigare. Une fois assouplie, la feuille est dénervée sur des machines datant de 1914 et pour lesquelles les pièces de rechange doivent être imaginées ici.
Les torcedores ou tabaceros pour certains, pourront ensuite faire rouler entre leurs doigts de 100 à 250 cigares chacun. Parmi ceux-ci, une gamme exclusive appelée opus x avec des feuilles d’une grande finesse. Puis dans une salle plus petite se trouve la Mecque du cigare. Dans ce salon est fabriqué le célèbre Fuente opus x mondialement connu, il est fait à base de tabacs 100 % dominicains cultivés au château de la Fuente. Pour faire un cigare premium de ce type, il faut 3 types de tabac : la tripe, la sous-cape et la cape. Une des particularités qui fait d’opus x un cigare unique au monde, c’est qu’il est confectionné avec 5 tabacs de tripe différents, chacun vient d’une région de République Dominicaine, de variété et d’année de culture différentes dont des tabacs de 9 à 10 ans de vieillissement qui ont un arôme et une saveur incroyables. En plus des 5 tabacs utilisés pour la tripe, on utilise aussi 2 sous-capes au lieu d’une seule comme pour les cigares bas de gamme et la cape. Au total, pour un cigare, il y a 8 tabacs qui donnent une complexité unique au Fuente opus x.
Ici, on ne cherche pas la rentabilité, si ces torcedores sont là, c’est qu’ils sont les meilleurs de chez Fuente, ils ne confectionnent d’ailleurs que 25 cigares par jour pour l’exportation seulement ou des ventes aux enchères très très privées. D’ailleurs, les premiers clients exclusifs ce sont les stars, pour lesquelles, on a même créé des cigares sur mesure : Andy Garcia, Arnold schwarzenegger, Sylvester Stallone.
Mais avant d’être fumé un cigare doit être vieilli dans une chambre entre 3 mois et un an. Chez Fuente, on a créé en 1987, la première chambre au monde à la température et à l’humidité contrôlées. Les raisons principales pour lesquelles on vieillit les cigares, c’est premièrement pour équilibrer le niveau d’humidité du cigare. Quand un cigare est confectionné, la cape à un taux d’humidité plus important que le reste et c’est pendant les 3 à 5 semaines qui suivent la fabrication que l’intérieur du cigare va absorber l’excès d’humidité de l’extérieur et cette humidité va s’évaporer dans la chambre de vieillissement. La deuxième est ce qu’on appelle « marier la lie », comme on utiliser 4 types de tabac de tripe et que chacun a un arôme spécifique différent, plus un ou deux de sous-cape et cape, on cherche à ce que chacun de ces tabacs absorbe la saveur de l’autre. De cette manière, le fumeur va apprécier la fusion de ces goûts et va apprécier une saveur uniforme tel que l’a fait dès le premier jour la famille Fuente. La troisième et dernière raison, c’est que ceux qui travaillent dans la manufacture sentent cette petite odeur d’ammoniac qui se libère naturellement du tabac qui vieilli pendant le processus de fermentation. On utilise du tabac qui vieilli pendant de nombreuses années, quand ces différents tabac fusionnent en présence d’humidité, il se produit tout de même une petite fermentation de vieillissement et il est préférable que cela se passe dans la chambre plutôt que dans la maison du fumeur.
730 000 cigares attendent d’être vendus aux 4 coins du monde multipliés par 12 chambres, cela laisse rêveur bon nombre d’amateurs. Le patron de cet empire Carlito Fuente, le petit fils du créateur de la marque Arturo Fuente, sa passion pour le cigare lui a permis de tendre la main aux enfants déshérités de son pays. En 2004, il créée une fondation-école au cœur des plantations de tabac. 22 professeurs scolarisent 445 élèves. Dans ces montagnes dominicaines, les populations sont très pauvres et le taux d’alphabétisation très faible, la plupart de leurs parents sont aussi illettrés, alors on commença par les éduquer. En 2004, 30 % de la population était alphabétisé, aujourd’hui grâce à la fondation, on est passé à 78 %. Mais l’éducation n’est pas la seule action de la fondation : le social, le sport, la médecine générale, la dentisterie, la gynécologie sont prodigués gratuitement à 5 communautés. Carlito Fuente fait figure de saint dans cette partie de l’ile et chacun de ses passages est une fête où l’on est fier de montrer ce que l’on a appris depuis toutes ces années. Certains enfants doivent leur survie à Carlito Fuente. C’est le cas d’Emilio abandonné par son père à 10 ans et recueilli par Carlito qui le considère aujourd’hui comme son fils : « Je suis à la fondation Fuente très jeune, j’ai appris qu’ils accueillaient les enfants alors on m’y a inscrit. Par la suite, j’ai montré que j’avais du talent pour la musique, mais je n’avais pas de guitare à l’époque, c’est un ami de l’école qui me l’a offerte. Dieu merci, aujourd’hui, j’ai cette guitare et je suis heureux depuis que je suis là. Je n’aurai jamais pu imaginer que cela pouvait être comme cela et je suis sûr que cela continuera comme ça. J’aimerai devenir un grand artiste chanteur. »
Les gens en regardant un cigare écoutent aussi la musique ce pays, la beauté de ses plages, de ses palmiers. Il y a vingt ans, le cigare dominicain n’avait pas une réputation internationale, Carlito Fuente a commencé à inviter les gens à visiter ses cultures, la plupart sont arrivés pour la première dans ce pays. Carlito Fuente a alors découvert les jeunes enfants de 5, 6 ou 7 ans courir vers eux lorsqu’ils voyaient une voiture arrivée, ils n’avaient pas l’habitude, ils demandaient de l’argent, de l’eau. Les journalistes et les visiteurs trouvaient cela étrange, ils en étaient presque choqués, eux qui débarquaient de l’Europe ou des USA. Avec le temps, Carlito Fuente s’est rendu compte que ces enfants n’avaient pas d’opportunités dans la vie, beaucoup n’allaient pas à l’école, ils ne pouvaient pas étudier ou avoir des bases qui permettent de vivre.
Carlito Fuente :
« J’ai toujours aussi dit qu’un de mes grands rêves était de suivre le pas de mes parents, mais je reconnais que je ne peux faire mieux. Le cigare c’est ce qui court dans mon sang, le tabac c’est ma culture, c’est le futur. C’est pourquoi je suis incapable de dire ce que je préfère entre le tabac et les enfants qui volent mon cœur chaque fois que je les regarde ».
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